La répartition des chiens en trois catégories vouée à l'échec?

Publié le par Steve

SUISSE. Afin d'éviter que chaque canton édicte sa propre législation, un projet national est lancé. Il veut interdire les pitbulls et soumettre les chiens pouvant être dangereux à autorisation.

 

   
 
 
   
 
Bernard Wuthrich, Berne
Samedi 21 avril 2007
 
   
 
Plutôt que 26 régimes cantonaux, optons pour une solution nationale. Le parlement fédéral ne souhaite pas laisser les cantons édicter, chacun dans son coin, sa propre législation sur les chiens dangereux. Mais il n'est pas non plus très simple de trouver une solution fédérale.

La Commission de la science, de l'éducation et de la culture (CSEC) du Conseil national s'est mise au travail à l'initiative du démocrate-chrétien jurassien Pierre Kohler. Le projet qu'elle vient d'adopter consiste en un article constitutionnel et une modification de la loi sur la protection des animaux.

La commission propose d'abord de compléter la Constitution fédérale en précisant que la Confédération «peut légiférer sur la protection de l'être humain contre les lésions corporelles provoquées par des animaux gardés par l'être humain». Cet article devra être approuvé par le peuple et les cantons, ce qui promet une campagne homérique au moment du scrutin populaire.

«Je souhaite bien du plaisir»

Le projet de loi renonce à établir une liste de races interdites. Il veut cependant ranger les 500 000 chiens répertoriés en Suisse en trois catégories: dangereux, potentiellement dangereux et peu dangereux. Les premiers seront interdits, les deuxièmes soumis à autorisation, pas de problème en revanche pour les troisièmes. Selon ce projet, il appartiendra au Conseil fédéral de fixer les critères permettant de procéder à ce classement. Pour ce faire, le poids et la taille devront être pris en compte. Les autorisations seraient liées aux aptitudes des propriétaires de compagnon jugé «potentiellement dangereux».

Il ne fait aucun doute que les pitbulls seraient jugés dangereux, comme les autres animaux de combat. Mais comment classer un berger allemand, un labrador, un bouvier bernois? Les rottweillers seraient-ils automatiquement dangereux et donc interdits? Et les chiens issus de croisements? «Qui va s'amuser à dire quel chien entre dans quelle catégorie? Je souhaite bien du plaisir aux autorités qui devront le faire. Le parlement refile la patate chaude au Conseil fédéral», commente Charles Trolliet, président de la Société vétérinaire suisse (SVS).

Peter Rub, qui préside la Société cynologique suisse (SCS), est du même avis: la mission lui paraît impossible. «Il naît environ 50 000 chiots par année en Suisse. A quel moment peut-on déterminer ce qu'ils vont devenir à l'âge adulte?», s'interroge-t-il.

Le projet renonce au port obligatoire de la muselière mais prévoit l'obligation de tenir les chiens en laisse dans les espaces publics construits et dans des lieux très fréquentés comme les écoles, les places de jeux et de sports, les parcs. Peter Rub juge cette définition de l'espace public trop large. La Confédération peut en outre rendre obligatoires les cours d'éducation pour les propriétaires.

«La qualité du détenteur»

Pour Charles Trolliet, malgré le «gros bémol» que représente la définition des critères pour répartir les chiens en catégories, ces propositions vont «dans la bonne direction». Il préfère ce genre de mesures à l'interdiction sans nuances de certaines races et à un catalogue de mesures cantonales disparates. «Le projet insiste aussi sur la qualité du détenteur, ce qui me semble positif», relève-t-il.

Le dispositif est mis en consultation jusqu'en juillet, puis, s'il est approuvé, sera présenté ensemble au parlement.



 
 
 
 
 
Oui à une solution nationale, non à l'arbitraire
Commentaire.
Bernard Wuthrich
Il est clair qu'on ne peut pas laisser les cantons adopter chacun sa propre législation sur les molosses. Cela pourrait déboucher sur des situations absurdes. Ainsi, il n'est pas imaginable qu'un rottweiller soit interdit sur la rive valaisanne du Rhône alors qu'il pourrait continuer de trottiner sur la rive vaudoise.

Une solution nationale est donc nécessaire. Reste à mettre au point un dispositif praticable, ce qui n'est pas le cas de celui proposé par la commission du National.

Passons sur le fait que des mesures de protection contre les chiens n'ont rien à faire dans une Constitution fédérale qu'on a voulu rendre plus svelte en en éliminant tout ce qui l'alourdissait inutilement (comme l'interdiction de l'absinthe).

Le problème est la répartition des chiens dans les catégories proposées. Si le sort des pitbulls, fléau social à éradiquer, est clair, on risque de sombrer dans l'arbitraire pour quantité de chiens. Le projet, s'il se concrétise, sera source d'inévitables divergences d'interprétation entre les vétérinaires et les autorités cantonales, qu'il faudra d'ailleurs renforcer par l'engagement d'une armada de fonctionnaires.

Il est juste d'imposer aux maîtres des cours d'éducation, d'exiger d'eux qu'ils connaissent leur protégé et d'assurer un meilleur suivi vétérinaire et comportemental des animaux de compagnie. Mais le régime d'autorisations envisagé est lourd et problématique.

 

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Publié dans Infos dans le monde

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